HEURES SUPPLÉMENTAIRES NI PAYÉES NI COMPENSÉES
DANS LE NOTARIAT
Dans de nombreux offices notariaux, des cadres, des techniciens, voire des employés dépassent les horaires légaux.Ces heures, trop souvent, ne donnent pas lieu à paiement ou à récupération comme le prévoit notre convention collective nationale du Notariat dans son article 14.9.
Nous ne parlons pas ici de situations accidentelles comme un salarié qui aurait exceptionnellement travaillé au-delà de l'horaire en raison d'une erreur dans sa gestion des horaires variables, mais d'un mode gestion du personnel connu voire encouragé par l'employeur, bien qu'il prétende le contraire.
Or,
la mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli constitue une dissimulation d'emploi salarié. (Article L.8221-5 du code du travail).
Ces heures supplémentaires non payées s'assimilent bien à du travail clandestin, du travail dissimulé.Pour s'en défendre les réponses des notaires concernés sont en général :
- l'employeur ignore que des salariés dépassent les horaires légaux,
- il n'a pas demandé au salarié d'effectuer des heures supplémentaires,
- le règlement intérieur interdit la réalisation d'heures supplémentaires sans accord préalable de l'employeur, celui-ci a même parfois rappelé les règles en la matière au tableau d'affichage obligatoire,
- le salarié réalise ces heures à sa seule initiative; il n'a pas demandé la compensation ou le paiement d'heures supplémentaires etc.
Pourtant ce phénomène de dépassement des heures se retrouve trop régulièrement. Nous connaissons bien ces situations : le salarié se voit attribuer des tâches supplémentaires, le travail réalisé par le collègue parti en retraite ou licencié est réparti sur les salariés restant, des
"objectifs à réaliser" sont irréalisables dans le temps imparti...
Celui qui s'en plaindrait craint d'être taxé d'incompétence, de mauvaise organisation, de voir son poste ou même son emploi remis en cause et très certainement d'être exclu de toute forme de promotion...
Mais, l'employeur ne peut prétendre qu'il ne sait rien des dépassements d'horaires.
Et sur ce point précis, la jurisprudence a évolué. Dans des procès récents concernant en général des salariés ayant perdu leur emploi et réclamant le paiement d'heures supplémentaires,
les juges considèrent que l'employeur, n'ignorant pas la réalisation régulière d'heures supplémentaires, les a en fait acceptées.Dans un procès, que nous citons, l'employeur affirmait :" Que seules donnent lieu à rémunération les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur ou avec son accord au moins implicite; que cet accord implicite nécessairement antérieur ou concomitant à la réalisation des heures supplémentaires, ne peut être déduit du seul fait que l'employeur, ayant été mis devant le fait accompli par le salarié une fois les heures supplémentaires effectuées, ne les a pas contestées."Argument rejeté par la Cour de cassation qui juge que :" Mais attendu que la cour d'Appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, en a déduit que l'employeur avait connaissance de l'exécution régulière par le salarié d'heures supplémentaires qui n'ont jamais été contestées : que le moyen n'est pas fondé."(Cour de cassation du 16 mars 2011. Pourvoi n° 08-42218)Cela signifie que les réponses jusque là apportées par certains employeurs, notamment qu'ils n'ont pas autorisé le salarié à effectuer des heures supplémentaires, ne sont pas recevables dès lors qu'ils ne peuvent ignorer les dépassements d'horaires.
OUI, il s'agit bien de travail dissimulé.Le non paiement des heures supplémentaires lèse le salarié mais aussi la Sécurité Sociale (CRPCEN pour nous) et les comités d'entreprise puisqu'il ne donne pas lieu au paiement du salaire, des cotisations, de la dotation aux CE.
Nos syndicats peuvent et doivent intervenir sur ces questions.Par exemple, dans les instances (DP. CE, CHS-CT) demander le listing ou un récapitulatif des badgages d'horaires variables qui font apparaître des dépassements réguliers d'horaires, les heures excédentaires non reportées donnant lieu à écrêtement et sont perdues pour le salarié. Peu importe pour nous que les listings soient nominatifs ou non : le fait pour l'employeur de refuser de les communiquer est un aveu implicite qu'il a bien connaissance des dépassements.
Demander de la même façon les bordereaux des horaires réels de sortie de l'office (certains systèmes pointent les heures d'entrée et de sortie des salariés indépendamment des horaires variables).
Là encore ce qui nous intéresse n'est pas le nom des collègues, mais la mise en lumière de sorties bien au-delà des horaires autorisés (A ce propos rappelons que
le fait de débadger et retourner à son travail est bien entendu interdit).
Il faut collecter tous les éléments qui attestent de dépassements assez réguliers des horaires de travail.Et puis, aussi,
conseiller aux salariés de conserver toutes les preuves de travail en dehors des horaires légaux (travail sur ordinateur le soir, le week-end, envoi d'email durant les congés, travail à domicile etc.)
Faut-il rappeler que nul n'est à l'abri, un jour ou l'autre, d'une mise au placard ou de menaces sur sa qualification, ses fonctions, son emploi.L'organisation syndicale peut, le cas échéant, saisir l'inspection du travail.