L’ESSENTIEL DE CE QU’IL FAUT SAVOIR
SUR L’ACTIVITÉ PARTIELLE (ex CHÔMAGE PARTIEL)
Malgré les très nombreuses améliorations dont il a fait l’objet ces dernières années, le régime français de chômage partiel n’a pas su s’imposer lors de la crise économique.
Partenaires sociaux, Gouvernement et législateur se sont donc attelés ensemble à la construction d’un nouveau dispositif unique, résultant de la fusion des différentes strates de l’ancien mécanisme de chômage partiel.Aussi bien sur un plan microéconomique que macroéconomique, les effets bénéfiques de l’activité partielle sont indéniables et concernent tant les salariés (préservation des emplois) que les entreprises (maintien de leur viabilité, conservation de leur main d’œuvre et donc de leur expertise) et la collectivité (économie d’une importante charge financière pour le régime d’assurance chômage).
Quelques chiffres éclairants : En France le chômage partiel n’a permis de sauver « que » 18.000 emplois en 2009, contre 221.500 en Allemagne, 124.000 en Italie et 43.000 en Belgique. Il est vrai que les systèmes, d’un pays à l’autre, sont difficilement comparables.
Le chômage partiel n’a jusqu’à maintenant, concerné qu’une faible part des entreprises : plus de la moitié des heures consommées l’ont été par des entreprises de plus de 250 salariés et, en 2011, 75% de ces heures ont bénéficié au seul secteur industriel. En outre, les statistiques récentes annonçant un regain d’intérêt pour le chômage partiel (+ 60% au 2ème trimestre 2012 et +30% au 1er trimestre 2013) doivent être relativisées par la faible utilisation de ce dispositif lors des deux trimestres de référence (2ème trimestre 2011 et 1er trimestre2012).
Les grands préceptes du régime d’activité partielle sont : le regroupement de l’activité partielle de longue durée (APLD) et de l’allocation spécifique, maintien de la procédure actuelle et amélioration de l’interaction entre les périodes de suspension du contrat de travail et les actions de formation. Dans ce cadre, la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a procédé au toilettage du Code du Travail, remplaçant les vocables
« chômage partiel » par ceux d’
« activité partielle », comme pour mieux l’émanciper du chômage partiel tout en rappelant sa filiation directe avec l’APLD.
A – Des règles d’éligibilité uniformes et cohérentesPar le seul effet de la fusion, les conditions d’éligibilité du nouveau régime gagnent mécaniquement en uniformité (1°) et en cohérence (2°).
1°/ Des règles d’éligibilité uniformiséesLe décret du 26 juin 2013 n’ayant modifié qu’à la marge l’article R.5122-1 du code du travail, la situation de l’entreprise ou de l’établissement doit toujours répondre aux mêmes conditions d’éligibilité.
En clair, l’employeur ne peut diminuer les horaires de travail ou suspendre son activité que s’il est tenu de le faire en raison de la conjoncture économique, de difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie, d’un sinistre ou d’intempéries à caractère exceptionnel. La sous-activité doit donc répondre à trois critères cumulatifs : elle doit être exceptionnelle, temporaire et collective, c'est-à-dire concerner un groupe identifié de salariés.Même si la préservation au sein du nouveau dispositif d’activité partielle des améliorations et des assouplissements apportés ces dernières années aux règles d’éligibilité du chômage partiel doit être saluée, c’est l’uniformisation des conditions d’éligibilité qui est le point le plus important. Auparavant, les conditions d’éligibilité variaient selon le niveau de chômage partiel retenu. Ainsi, à l’inverse du dispositif légal et de l’APLD, le régime conventionnel classique ne concernait que les employeurs relevant d’une branche d’activité représentée au MEDEF ou à la CGPME. Dans le notariat ce n’est qu’à partir de la signature (tant attendue !) de l’accord de branche du 21 juin 2012, qu'il a été concerné par le régime conventionnel. De plus, les causes de la suspension ou de l’interruption d’activité pouvant donner lieu à APLD étaient plus restrictives que celles du régime légal, sans compter que la signature préalable d’une convention d’APLD et la souscription d’engagements déconnectés de la réalité économique ajoutaient une étape supplémentaire à un processus déjà jugé peu réactif. Dorénavant l’activité partielle est applicable à toutes les entreprises, peu important leur branche d’activité, et aucune étape supplémentaire n’est exigée pour bénéficier du régime le plus attractif.
2°/Des règles d’éligibilité plus cohérentesDerechef, le nouveau régime d’activité partielle, s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, reprenant les mêmes conditions d’éligibilité des salariés. A priori, ils peuvent tous être placés en activité partielle
<Le placement en activité partielle ne constitue pas une modification du contrat de travail (Cass. Soc. 9 mars 1999, n°96-44.439), hormis pour les salariés protégés (Cass.soc. 18 décembre 2012, n°11-13.813)> Rappelons néanmoins que seules les heures non travaillées au titre de l’activité partielle jusqu’à la limite de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, à la durée conventionnelle, peuvent être indemnisées
(Code du Travail, art. R.5122-11, alinéa 11). Les salariés dont la durée du travail est fixée par forfait en heures ou en jours sur l’année, sont donc logiquement soumis à une réglementation particulière, n’étant éligibles qu’en cas de fermeture totale de l’établissement ou d’une partie de l’établissement dont ils relèvent
(Code du Travail, art. R.5122-8, 2°).
Notons toutefois que le nouveau régime supprime le cas particulier du chômage partiel « congés payés » prévu à l’ancien article R. 5122-10 du Code du Travail.
B/ Des engagements adaptés aux réalités des entreprisesEn premier lieu, l’employeur n’est tenu de souscrire un ou plusieurs engagements dans la demande d’autorisation préalable que s’il a déjà placé ses salariés en activité partielle au cours des 36 mois précédant le dépôt de celle-ci.
En deuxième lieu, la liste de ces contre parties est plus diversifiée que pour l’APLD et n’est plus limitative. En effet, elles portent
« notamment sur le maintien dans l’emploi pouvant atteindre le double de la période d’autorisation, sur des actions spécifiques de formation pour les salariés en activité partielle, des actions en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), et des actions visant à rétablir la situation économique de l’entreprise ». Marque supplémentaire de souplesse et d’adaptabilité, ces exigences, bien que souscrites par l’employeur dans la demande d’autorisation préalable, sont in fine fixée par l’autorité administrative en tenant compte de la situation de l’entreprise.
En troisième lieu, en cas de non-respect, sans motif légitime, des engagements souscrits par l’entreprise, l’autorité administrative peut demander le remboursement des aides versées, sauf si cela s’avère incompatible avec la situation de l’entreprise (Code du travail, art. R.5122-10).
Au total, les employeurs approuveront le souci de réalisme économique et la volonté d’ajuster au plus près les contreparties et leur sanction aux particularités de chaque entreprise afin de les aider au mieux à rétablir leur situation et à préparer les conditions de leur développement futur.
Les règles d’indemnisation :
1°/ Indemnisation du salarié placé en activité partielleLe salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire versée par son employeur à la date normale de paie (Code du Travail art. R. 5122-14, alinéa 2).
Cette indemnité d’activité partielle correspond à 70% de la rémunération brute antérieure du salarié (soit 85% du net), ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail ou de la durée conventionnelle lorsque celle-ci est inférieure. Certes ce taux accuse une très légère baisse par rapport à celui qui résultait de l’application d’une convention APLD (75%, soit 90% du net). Cependant, hormis en cas de formation, il s’agit d’un taux d’indemnisation unique applicable de plein droit nettement supérieur à l’ancien taux du régime conventionnel classique (60%, soit 75% du net)
Afin de promouvoir les actions de formation pendant les périodes de suspension du contrat de travail engendrées par le placement en activité partielle, le Gouvernement a souhaité maintenir la majoration auparavant applicable. En ce cas, l’indemnité d’activité partielle est portée à 100% de la rémunération nette antérieure du salarié. En outre, les salariés dont le contrat est suspendu dans ce cadre peuvent désormais bénéficier de l’ensemble des actions de formation énumérées aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1 du Code du Travail. Au total, l’indemnisation de l’activité partielle est particulièrement intéressante pour les salariés, le taux de remplacement de leur salaire net oscillant entre 85% et 100%.
2°/ Allocation d’activité partielle versée à l’employeur
Allocation majorée d’activité partielle. – En contrepartie du paiement aux salariés de l’indemnité d’activité partielle, l’employeur perçoit une allocation financée conjointement par l’État et l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage
(Code du Travail, art. L. 5122-1, 11). Le montant forfaitaire de cette allocation dépend comme dans l’ancien régime, de la taille de l’entreprise concernée
(Code du Travail art. R. 5122-12). En apparence rien n’a donc changé, et le caractère bicéphale de cette allocation, qui ne repose sur aucun critère objectif, prête toujours autant le flanc à la critique. Pourtant, une lecture attentive du décret du 26 juin 2013 laisse croire que le taux horaire majoré
(7,74 euros au lieu de 7,23) servant de base de calcul à l’allocation d’activité partielle n’est applicable qu’
« aux entreprises de moins de 250 salariés », soit celles de 1 à 249 salariés, alors que l’ancienne majoration était applicable aux entreprises de 1 à 250 salariés.
Coût net de l’activité partielle. – Le coût net élevé du chômage partiel pour les employeurs est incontestablement un des freins à son développement, d’autant plus que le système est, à l’inverse relativement généreux avec les salariés. En particulier, l’exemple de l’indemnisation pendant les périodes de formation est éclairant : le salarié sera indemnisé à hauteur de 100% de son salaire net alors que l’Agence des services et de paiement (ASP) n’augmentera pas le montant des remboursements versés aux employeurs. Certes, le coût net du placement en activité partielle diminuera mécaniquement pendant les périodes de formation.
Suppression de la prise en charge partielle de l’allocation complémentaire de rémunération mensuelle minimale (RMM). – En l’occurrence, la RMM consiste à garantir au salarié placé en activité partielle que le cumul entre les salaires éventuellement versés et les indemnités touchées soit au moins équivalent au SMIC net. A défaut l’employeur doit lui verser une allocation complémentaire comblant cet écart
(Code du Travail art. L. 3232-3 et L. 3232-5). Or, l’article 16 de la loi du 14 juin 2013 abroge la section du Code du Travail qui prévoyait que l’État prenait en charge 50% de cette allocation complémentaire.
(Code du Travail art. R 3232-3 ancien). Il est vrai que le niveau de l’indemnisation de l’activité partielle étant proportionnellement élevé par rapport au taux du SMIC horaire actuel, l’impact de cette suppression sur les entreprises sera limité.
Une procédure déconnectée du besoin de réactivité des entreprises
La future dématérialisation de la procédure de mise en activité partielle, ne sera vraisemblablement pas en mesure de contrebalancer la carence de réactivité induite par une procédure complexe et chronophage
Cette procédure de mise en activité partielle, complexe et chronophage, calquée sur les dispositions antérieures,
est composée de sept étapes clefs pour les employeurs :- Consultation des représentants du personnel dans les entreprises d’au moins 50 salariés ;
- Envoi au préfet de la demande d’autorisation préalable de placement en activité partielle ;
- Attente de la notification de la décision d’autorisation ou de refus, l’absence de décision dans le délai de 15 jours valant toujours acceptation implicite de la demande ;
- Placement des salariés en activité partielle dans la double limite de la durée globale autorisée par le préfet et des 1000 heures du contingent annuel d’heures indemnisables
(Code du Travail, art. R. 5122-6) ;
- Versement des indemnités d’activité partielle à l’échéance normale des salaires
(Code du Travail, art. R 5122-14 alinéa2) ;
- Formulation de la demande de remboursement à l’Agence de services et de paiement (ASP) ;
- Liquidation mensuelle de l’allocation d’activité partielle par l’ASP
(Code du Travail, art. R. 5122-14, alinéa 1).Ceci étant, une fois la dématérialisation de la procédure effective, la répartition des compétences entre les DIRRECTE et l’ASP sera vraisemblablement neutre pour les entreprises.
Au total, malgré quelques erreurs,
le premier bilan du nouveau régime d’activité partielle est positif. Plus simple et plus cohérent que ses prédécesseurs, son attractivité s’en trouve grandie. Néanmoins, la longueur de la procédure et l’importance de son coût net pour les entreprises constituent toujours des freins très importants, sans doute trop pour qu’il concurrence les régimes germanique, italien ou belge. Ceci étant, était-ce réellement le but de cette réforme ? Non seulement la structure de l’emploi en France n’est pas du tout la même que celle des pays à qui on la compare mais, surtout, d’autres mécanismes de préservation de l’emploi et d’ajustement de la main d’œuvre permettent aussi d’y atteindre ces objectifs.
Source : JCP/ LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION SOCIALE N°38 du 17 septembre 2013, sous la plume de Renan FRIEDERICH, docteur en droit, chargé d’études en droit social à la CCI Paris Ile-de-France.